Btoy, pochoiriste barcelonaise, est à Paris pour décorer les murs d’un hôtel. L’artiste à accepté de nous parler d’elle à travers sept photographies de son choix.
L’espagnole Andrea Michaelsson (née en 1977), de son nom d’artiste BTOY, est reconnue pour ses visages de femmes retro qui ont fait le tour des réseaux sociaux. Son travail est réfléchi, pas question de déposer un pochoir à la va-vite ! Chacune de ses œuvres est créée et placée selon un contexte environnemental précis : le pochoir comme support de réflexion. BTOY s’exprime à la peinture à la bombe, à l’aquarelle et l’encre.
Retour en image sur son parcours artistiques :
1. La liberté des lieux isolés – Endroits abandonnés de Minorque, 2015

J’ai commencé à peindre dans les rues espagnoles de Barcelone, ma ville de naissance. J’aimais particulièrement les quartiers de Raval et Poblenou pour ses nombreuses usines abandonnées : je pouvais y travailler librement, comme si la capitale m’appartenait.
Et puis j’ai posé mes pochoirs dans différents endroits de la ville, attirant le regard des touristes et des artistes européens.
J’ai tout de suite réalisé des portraits inspirés de photographies : représenter des personnages me fascine. Je m’amuse ensuite à déconstruire le cliché pour le représenter dessiné sur un mur, avec mes couleurs.
J’ai commencé avec peu de couleur, du blanc, du rouge, influencée par l’artiste Banksy, puis j’en ai utilisé de plus en plus.
2. Les héroïnes du ciel – fabrique abandonnée à Mendoza, Argentine, 2014

Les aviatrices sont comme des espionnes, des aventurières qui prennent le risque de voler. Cela peut paraitre bête aujourd’hui car nous prenons l’avion comme nous prenons un bus ou un train mais à l’époque c’était un véritable acte de courage face au danger.
Je suis admirative de cette capacité à se confronter à l’inconnu, à s’aventurer dans la vie. J’essaye de l’exprimer à travers ces pochoirs d’aviatrices.
3. Un peu de Douceur – Mur du Boulevard Auriol, Paris 13, 2014

Je réalise beaucoup d’images de femmes, leur regard me captive. Celle-ci, mélancolique, se trouve dans un quartier parisien aux grands bâtiments structurés presque rigides, planifiés.
Je voulais apporter de la lumière, de la douceur avec ce visage.
4. Les femmes invisibles de la gare du nord – Gare du Nord Quai 36, 2015

La gare du Nord est une énorme station, la plus fréquentée en Europe. Les individus qui y passent tous les jours sont majoritairement des femmes d’origine africaine. J’ai eu envie de les prendre en photo et de dessiner l’une d’entre elles.
C’est quand même frappant de constater que dans la gare la plus grande d’Europe, la plus utilisée aussi, il y a surtout des femmes noires. Elles restent invisibles dans notre société alors qu’elles sont majoritaires ! Il fallait leur donner le pouvoir d’exister, de montrer la réalité.
Mon travail peut être perçu comme décoratif, mais c’est un moyen de communiquer.
Ici, j’insiste sur une réalité sociale, celle des noires invisibles.
5. La nature n’a pas de frontières – Barcelone, 2014

Cette photo fait partie des mes ‘peintures illégales’. Nous sommes au cœur de la ville, au milieu des ruines d’un immeuble. La verdure reprend ses droits, paisiblement.Cette image me plaisait.
Ce pochoir ne va pas durer longtemps car un nouveau bâtiment va être construit très prochainement. Mais il permet de remarquer au moins temporairement cette nature sans frontière.
6. La Rochelle, second port négrier de France au 18 ème siècle – Portrait de Fela Kuti, 2014

Fela Kuti (1938-1997) est un chanteur, saxophoniste et politicien nigérien. Il a créé l’Afrobeat, une musique traditionnelle nigériane, mélange de jazz, funk, chants, percussions.
Il est mort dans des conditions peu claires, sûrement assassiné par ses opposants. (ndlr : Fela Kuti souhaitait le changement social, il se battait contre la corruption, la dictature militaire, les multi-nationales de son pays. L’homme sera plusieurs fois mis en prison et torturé. Atteint du Sida, il décèdera en 1997)
Quoiqu’il en soit, Fela Kuti luttait activement contre la colonisation et l’esclavagisme.
On oublie vite que La Rochelle (Charente-Maritime) a été un grand port de traite d’esclaves, très actif. C’est donc une ironie de l’histoire puisque aujourd’hui l’homme a son portrait dans cette ville et sur les murs du campus universitaire, un lieu éducatif.
7. Fragile tour humaine – Exposition « Multitudes » Galerie N2 Barcelone, 2014

J’ai représenté un symbole catalan : le jeu de chutes. C’est une tour humaine, un château qui tente de ne pas s’effondrer. Celui-ci n’a pas résisté. Une allusion à toutes nos luttes intestines, les politiques nationalistes en Catalogne, la montée du populisme comme vous le connaissez en France, le patriotisme qui fait se dresser les hommes entre eux et les contraint à tomber de plus haut.
Derrière ces hommes, des lignes droites, structurantes. Elles reflètent le pouvoir et nos institutions qui tiennent coûtent que coûtent.
C’est une vision pessimiste de la vie car la tour humaine s’effondre, mais optimiste aussi, car l’histoire nous tient : les lignes droites ne tombent pas.
Je fais aussi référence à nos référendums sur l’indépendance en Catalogne, où tout ce qui se passe en France, tous ces spectacles populistes.
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