Streep a suivi de très près cette nouvelle édition qui fête ses 10 ans cette année !
Le train s’arrête enfin en gare de Sète. On reconnaît tout de suite le parisien, pull encore sur le dos, s’extasiant d’un soleil qu’il voit moins dans sa capitale. Bientôt, il enfilera son short, tombera dans le cliché assumé des espadrilles et abordera fièrement les rues de Sète, à la recherche des neuf nouveaux murs de la ville, réalisés dans le cadre du K-Live festival.

• Mercredi 31 mai, le festival, commencé depuis trois jours, bat son plein. Les artistes n’en sont plus aux esquisses, tous ont commencé à peindre. Ils ne chôment pas, malgré des températures élevées !
Mademoiselle Maurice, Street artiste spécialisée dans l’art du pliage, fixe ses ‘maurigamis’ colorés, à l’image de sa personnalité joyeuse. Réalisés en patterns origamiques et pliages de métal, voilà une façon astucieuse de rendre éternelle cette pratique. On retrouve les bénévoles du festival, présents d’année en année, comme le passionné Ismaël, à l’énergie et la sympathie communicatives. « J’ai décidé de le soutenir en faisant le ramadan avec lui. » plaisante Mademoiselle Maurice qui ne mangera rien en journée. « Sauf l’eau, car ça, vraiment, c’est dur. » Le résultat de sa dévotion lui vaudra quelques jolies soirées où le vin du sud se fera plus traître.
Dans la même rue, le parisien Codex Urbanus fond doucement au soleil. Il est 15 heures de l’après midi, ses rayons rougissent les peaux. Mais Codex, sous son chapeau, n’en démord pas. Escabeau à la main, il peint son bestiaire imaginaire, très concentré et en nage. « Je dois avoir fini vendredi, il faut que je m’active. »

Dans les hauteurs de la ville, Madame travaille sur une façade abandonnée. L’endroit est plus tranquille : moins de voitures, de bruit et la mer qui se devine juste derrière les toits. Les ruelles se font étroites et exigeantes : on monte, on descend, le plat est de courte durée. En bas de son échafaudage, l’artiste est souvent sollicitée par les passants. « On peut parler d’un mur fantôme car il n’y a pas de bâtiments derrière. Je me suis amusée avec cette idée : construire sur du vide. Et puis bien sûr, on est à Sète, je voulais donc parler de la mer ! Cette image que je viens de coller est une vieille gravure militaire, quant au bateau, il vient d’une encyclopédie maritime. »

Le soleil descend enfin, moment agréable. Le ciel se fait plus rose, moins agressif.
Au-dessus du bar de l’Orient, au sud de la ville, l’artiste vénézuélien Satone touche les toits. Sa fresque colorée et abstraite se voit de loin. Une femme s’est arrêtée pour dessiner le spectacle de cette grande nacelle au bras de géant, tendu vers le ciel couchant. La peintre s’applique à immortaliser de son pinceau la technique précise du jeune homme. Dans quelques jours, il aura terminé son mur coloré.
On sait qu’une oeuvre fonctionne quand elle se fond avec l’architecture urbaine. Son intégration est incroyable, certainement une des plus grandes réussites du K-Live.

Il est maintenant 20 heures. Au quartier général du festival, l’équipe s’active. Ce soir, c’est paëlla pour tout le monde ! Le directeur du K-Live, Stéphane, échange autour d’un verre avec Nicolas, régisseur. On parle de la ponctualité à l’heure sétoise, un peu étonnante pour les non initiés : ici, la demi-heure de retard n’en est pas un, on prend le temps de vivre. Le sétois n’aime pas les pressés, une énergie inutile. Mademoiselle Maurice encore pleine de peinture les rejoint, suivie de près par Madame. Crystel et Yann, organisateurs efficaces, s’enquièrent de leur journée, aux petits soins. L’équipe est à l’image de la ville : agréable, décontractée. Les autres artistes, déjà habitués aux mœurs, arriveront plus tard. On s’assoit côte à côte, on va se chercher à boire ou se resservir, en un esprit de grande colocation.
Plane un sentiment de vacances qu’il n’est pas toujours facile à combiner avec le travail !
• Jeudi 1er juin : Levalet est arrivé, il colle depuis ce matin ses personnages dessinés à l’encre de chine. Une jeune retraité trouve les couleurs un peu tristes, fade. Cette autre est très réceptive. Elles repartent quelques minutes plus tard, espérant en croiser d’autres, comme un jeu de piste, une chasse au trésor.
Au même moment, à l’est de la ville, les Monkey Bird perchés sur une nacelle, travaillent vite, casquettes vissées sur le crâne. Les pochoirs sont posés au fur et à mesure, à l’image d’un puzzle. Une passante les salue, attendant qu’ils redescendent. Étonnant. Elle travaille dans le vin et apporte une bouteille de blanc à chacun ! Sympa.

Un peu plus loin, côté Traverse Agnès Varda, l’artiste montpelliérain Quentin DMR, boucle sa fresque. Il connaît le festival pour avoir assisté le parisien d’origine lyonnaise Romain Froquet, lors de la réalisation de son mur en 2016. Il est heureux de revenir pour développer sa propre émotion artistique.

La chaleur tombe un peu, aidé par le soleil déclinant. La nuit s’installe, lentement. Sur la place de la mairie, un rétroprojecteur a été dressé, attendant son heure. Le documentaire réalisé par Jérôme Thomas, Sky’s the Limit, les peintres de l’extrême va être projeté dans quelques minutes. Le réalisateur parisien aux nombreuses récompenses est venu spécialement représenter ce documentaire exigeant. Il lui aura pris 3 ans de sa vie ! Tous les artistes se sont regroupés pour visionner ensemble le long métrage. Mademoiselle Maurice, présente dans le film, connaît exactement la minute de son intervention. Ovation du groupe quand elle apparaîtra à l’image, elle s’en amuse, remerciant à tout va son public conquis. Jérôme répond aux questions, salue ses amis artistes. Une partie d’entre eux part se coucher, fatigués. Pour d’autres, la soirée s’éternisera autour d’un verre improvisé. Il y sera question de rap, de cinéma, et même de tatouages.
Encore un des charmes du lieu et de l’événement. On vit au gré du moment, les conversations comme les rencontres se heurtent doucement, inattendues.
• Vendredi 2 juin : déjà le dernier jour pour réaliser les fresques, il faut finir, certains échafaudages sont enlevés cet après midi. Madame en est au lettrage, elle est dans les temps mais s’inquiète un peu. « C’est normal, nous dira-t-elle, on a toujours peur d’être en retard. »
Mademoiselle Maurice souffle enfin. La pression redescend doucement, le mur est achevé, satisfaction. C’est le moment de trouver le meilleur angle de vue pour la photo souvenir : cet escabeau tombe à pic. En le passant de l’autre côté du mur, la photo sera parfaite.

Entre deux rues, plus en bas, le mur rouge aux cœurs noirs du montpelliérain Sunra n’attend plus que le démontage de l’échafaudage pour se montrer, de même que les motifs adhésifs du lyonnais Erell.
Pour le dernier soir, rendez-vous au Théâtre de la mer. L’équipe fête ensemble la fin de cette édition 2017. Certains en profitent pour aller voir la fresque de l’artiste sétois Maye, Supplique pour être enterré à la plage de Sète, un hommage au chanteur Brassens, dont il partage le lieu de naissance. La vue est magnifique pour y boire un verre. Artistes et organisateurs discutent, s’amusent. Beaucoup sont venus en famille.
• Samedi 3 juin : le retour, pour une majorité des artistes. Certains prolongent un peu, se donnant l’opportunité de connaitre un peu plus les plaisirs de ce lieu, les verres en terrasse, le soleil, la mer ou la vue magnifique en haut de la colline. Pour les autres, le train les attend, la valise roule, bruyante, agaçante, jusqu’à la gare.
On nous avait prévenus. Le K-live est un festival familial, à l’image de la petite ville. Sa découverte suscite l’envie de revenir. Pris au piège ? Oui, avec consentement. ◊

K-Live 2017
Réalisé du 31 mai au 3 juin 2017
Musée à Ciel Ouvert (MACO), toute l’année : http://k-live.fr/maco/
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