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Ouverture de l’Urban Nation Museum à Berlin : les interrogations qu’il suscite

Yasha Young, Directrice de l’Urban Nation Museum, le tout nouveau Musée d’art urbain contemporain à Berlin, répond à nos questions, même les moins agréables.

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Portrait de Yasha Yang, Directrice de l’Urban Nation ©Nika Kramer

Ouvert depuis samedi 16 septembre, Urban Nation Museum for Urban Contemporary Art secoue les esprits. Instrumentalisation d’un art libre ou volonté de présenter durablement un courant artistique, le plus largement possible ? On le sait bien, certaines œuvres existent pour vivre en plein air, caressées par le vent, raflées par la pluie ou décolorées par le soleil. Vont-elles perdre leur âme, rangées ainsi entre les murs confortables d’un musée ? Doit-on les préserver quitte à perdre cette liberté ?

Le musée accueille plus de 150 oeuvres d’artistes de renoms : Banksy, Obey, David Walker, Borondo, Inti, le duo allemand Herakut, Faith 47, Jef Aérosol, Deih XLF, Blek le rat… le visiteur découvrira une grande sculpture de Seth, réalisée spécialement pour l’événement, comme beaucoup d’autres toiles ou installations. Mais le spectacle est aussi dans la rue, où les murs ont également été investis par de nombreux artistes : David de la Mano, D*Face, Cyrcle, Vhils…

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Word to Mother,Cyrcle., D*Face et Obey Giant @Mrbee Pollen

À l’origine de ce projet, la Fondation Urban Nation, une association internationale qui promeut l’art urbain contemporain et soutient les artistes.

Yasha Young sa directrice et ancienne galeriste – ce qui ne manque pas d’en agacer quelques-uns – répond à nos questions :

On peut lire sur votre page web : « l’impossible musée devient réalité». Pourquoi ce terme ?

Urban Nation Museum for Urban Contemporary Art est un musée berlinois créé pour un art né dans la rue. C’est à ça que se réfère le terme « impossible musée». Comment voulez-vous exposer des œuvres réalisées sur des murs extérieurs de 40 mètres de haut ? Comment exposer cet art dans un bâtiment alors même qu’il est percutant parce que appartenant à l’espace public ?

L’idée d’Urban Nation n’est pas de sortir l’art de son environnement mais de l’archiver, le préserver.

Le Musée devient ainsi une partie de la rue : sa façade est éphémère, les œuvres représentées dessus vont changer au fur et à mesure. (NDLR : Invader a ouvert le bal en dévoilant sa nouvelle plaque datée de 2017, commémorant ainsi la naissance du musée.)

De plus, nous proposerons à des artistes du monde entier de créer de nouvelles peintures murales à Berlin. Tout le monde est ainsi invité à se poser cette question.

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A quelques mètres du musée ©Davide Gavioli

Depuis combien de temps l’idée de créer ce musée est-il en vous?

L’initiative a vu le jour en 2013, mais j’oeuvre en tant que conservatrice d’art urbain depuis 20 ans. J’ai toujours voulu mettre en place un foyer pour l’art urbain. Même si ce mouvement est encore une forme d’art très jeune, il s’est beaucoup développé au cours des dernières décennies. Par conséquent, il est très important d’en saisir les évolutions et de les archiver.

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A l’intérieur du musée ©Davide Gavioli

En mai 2016, la reconstruction du bâtiment commençait et, le 16 septembre 2017, nous inaugurions Urban Nation Museum for Urban Contemporary Art. (NDLR : Selon les chiffres fournis par Urban Nation, le week-end du 16 et 17 septembre aurait réuni plus de 13 000 curieux.)

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Urban Nation le jour de l’ouverture ©Nika Kramer

Qui a choisi le lieu d’implantation du musée ?

Le musée se situe à Bülowstrasse, au numéro 7. Il a été choisi par la Fondation « Berliner Leben », à laquelle Urban Nation est affiliée. Nous entretenions déjà un lien avec l’édifice car nous avions réalisé un projet dans les vitrines du rez-de-chaussée de cet immeuble.

Nous pensons qu’un musée d’art urbain ne doit pas être logé dans un immeuble neuf, mais dans un lieu ancré au cœur de la rue depuis longtemps. Ce qui est le cas ici puisqu’il s’agit d’une bâtisse très ancienne de style Wilhelminien. (NDLR : style néo-baroque allant de 1871 à 1918, caractérisé par l’abondance décorative, les arabesques, les colonnes pompeuses, les fioritures en relief.)

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Portrait de Vhils, au sein du musée ©Nika Kramer

Vous saviez que le terme «musée» allait en déranger certains. Que leur répondez-vous ?

Je suppose que par « certains », vous désignez les artistes ? Eh bien, sachez que la plupart des artistes qui travaillent avec Urban Nation depuis de nombreuses années et qui s’exposent aujourd’hui au musée, sont réellement engagés auprès d’Urban Nation.

La plupart des œuvres d’art ont même été spécialement conçues pour ce premier vernissage.

En outre, Urban Nation n’a pas inventé le concept d’exposer des artistes urbains. Beaucoup d’entre eux travaillent avec des galeries, s’affichent dans des espaces intérieurs tout en continuant à peindre dans la rue, à l’extérieur.

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Entre les murs, Urban Nation ©Davide Gavioli

Urban Nation est plus qu’un musée ?

Urban Nation Museum for Urban Contemporary Art est définitivement plus qu’un musée. À partir de 2018, il y aura des résidences d’artistes afin de soutenir les talents émergents. Sans oublier toujours plus de projets de proximité avec les habitants de Schöneberg (le quartier du musée) et de Berlin. Urban Nation est une véritable plate-forme, unique et nouvelle, pour le graffiti et le Street art.

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A quelques mètres du musée Urban Nation ©Davide Gavioli

Nous souhaitons également continuer à faire vivre notre grand projet One Wall.

(NDLR : Depuis 2013, Urban Nation invite des artistes internationaux cinq fois par an à Berlin. Ils travaillent sur des grands murs ou des plus petits, des tours et même des ponts. L’idée est d’investir tous les quartiers de la ville. Le Néerlandais Don John est le premier à s’être prêté au jeu. Sa fresque est visible au numéro 29, Mehringplatz de la capitale. Il existe à présent plus de 44 interventions.)

Qu’attendez-vous de cette création ?

Mon ambition est de fonder un espace pour l’art urbain. Donner aux gens l’occasion d’en apprendre plus sur cet art. Nous avons déjà entamé l’élaboration d’un forum de recherche grâce à la bibliothèque de la photographe américaine spécialiste du graffiti, Martha Cooper. Je souhaite le voir s’accroître plus encore. (NDLR : La Bibliothèque Martha Cooper contient une partie importante de sa collection personnelle qu’elle a donné au musée. Ses photographies sont très précieuses car elles font parties des premiers enregistrements de l’art urbain. Elles documentent ainsi nettement son émergence et son évolution depuis les années 1970.)

À l’avenir, l’objectif est donc de repenser la structure traditionnelle d’un musée et d’intégrer encore plus d’interactions avec les universités et autres institutions internationales. Nous n’en sommes qu’à la genèse du projet.

Quel est le prochain temps fort du musée ?

L’ouverture du musée a demandé quatre ans de travail ! Pour l’instant, nous sommes simplement très heureux que tout se passe à merveille, que tant de personnes s’intéressent au musée et désirent le visiter.

Bien entendu, les prochaines expositions, les ateliers et autres programmes en prévision sont d’ores et déjà en préparation. ◊

Urban Nation Museum for Urban Contemporary Art
Bülowstraße 7
10783 Berlin
Allemagne

urban-nation.com

2 comments on “Ouverture de l’Urban Nation Museum à Berlin : les interrogations qu’il suscite

  1. Un musée d’art urbain : n’y a t’il pas un problème de sens ?
    L’art de rue a t’il vraiment besoin d’être « préservé » ? J’en doute.

    • Anonyme

      Oui, car c’est l’art de nos futures générations donc comme les anciennes on le conserve

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