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Quand l’art urbain roule pour la bonne cause

Jean Claude est à la tête de Roule petit Ougandais, une association qui tente d’améliorer les problèmes sociétaux des pays démunis par l’intermédiaire du sport. Pas n’importe lequel, le skate, la passion de son fondateur.

Jean Claude est à la tête de Roule petit Ougandais, une association qui tente d’améliorer les problèmes sociétaux des pays démunis par l’intermédiaire du sport. Pas n’importe lequel, le skate, la passion de son fondateur.

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©RPO

Pour obtenir les fonds qui serviront à créer des skateparks et envoyer sur place le matériel nécessaire (planches, trucks, roues, chaussures…), des artistes urbains ont accepté de customiser des planches de skate. En 2016, la ville de Mukono en Ouganda (Afrique de l’Est) a ainsi profité des bénéfices dégagés par la vente de ces œuvres d’art : son skatepark ne désemplit pas. Et tant que les jeunes se dépensent, ils ne traînent pas dans la rue. Puisque le projet fonctionne, Jean Claude ne compte pas en rester là.

Peux-tu te présenter rapidement ?

J’ai 29 ans, je vis à Toulouse depuis 21 ans et je suis originaire de côté d’ivoire. Je gère une agence d’art urbain qui s’appelle City of Talents. J’ai également créé en 2012 l’association Roule petit Ougandais qui a pour but de construire des skateparks dans des zones pauvres et insolites. On me trouve atypique car je suis un peu dans ma bulle, mais je reste quelqu’un d’authentique, jovial et généreux. Je tire ma motivation et ma créativité de Toulouse. Je suis très fier de vivre dans cette ville magnifique.

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©RPO

Pourquoi avoir créé Roule petit Ougandais ?

Cette idée m’est venue en septembre 2012. Je suis tombé sur une vidéo filmée en Ouganda (Afrique de l’Est) où l’on voyait des africains skater dans la campagne avec du matériel en mauvais état.

Je me suis convaincu qu’il fallait que je rencontre ces hommes qui étaient à plus de 7000 kilomètres de chez moi, mais qui exerçaient la même passion que moi.

Pourquoi le skate et pourquoi en Ouganda ? Tu es toi-même passionné ?

En effet. C’est un sport que je pratique depuis plus de 15 ans, une vraie passion, même si de nos jours j’en fais beaucoup moins.

L’Ouganda est un pays pauvre qui a subi d’énormes crises politiques.
Les jeunes sont livrés à eux-mêmes, ils n’ont pas les ressources nécessaires pour se procurer du matériel. Une planche de skate coûte cher, il n’y a aucun skateshop ouvert dans la ville, même au sein de la capitale, à Kampala. Je voulais changer cela.

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©RPO

Grâce au skate, j’ai créé mon propre univers, adhéré à un groupe, une famille, tissé des liens avec des personnes toutes aussi différentes les unes que les autres, dorénavant mes meilleurs amis. J’ai pu rencontrer des gens géniaux, échanger, apporter mon savoir aux plus jeunes, en recevoir des plus anciens. J’y ai aussi appris des valeurs. A l’époque, nous avons même donné naissance à un Crew toulousain de skate : « Le Polkov Skate Crew».  J’ai aussi appris à connaître mon corps avec les milliards de chutes occasionnées !

Le skate est une sensation géniale, tu es avec tes potes et tu te construis ton univers, tu t’appropries l’espace, un terrain de jeu illimité qu’est la rue, bref tu kiffe ! L’idée est donc d’amener ces valeurs, ces expériences en Ouganda.

En quoi cela pourrait-il faire évoluer les choses ?

A Mukono, là où je me trouvais, les enfants sont dans la rue et ne font rien à part zoner dehors et dans la misère. Un véritable contraste entre leur niveau de vie et le nôtre. Cela te remet direct en place et dans une réalité incroyable où tu réalises la chance que nous avons…

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« La pratique du skate crée des passions et évite que les enfants trainent dans la rue » ©RPO

Les jeunes qui pratiquent le skate arrivent à sortir de ce quotidien morose. Cela les focalise sur un sport qui leur apprend des valeurs, leur donne de l’espoir pour un futur meilleur, les aide à se construire, à se réaliser humainement.

Ils partagent un sport qui leur donne du plaisir, des sentiments gratifiants ! Je suis d’ailleurs persuadé que si on arrivait à inculquer des passions sur cette planète, nous serions bien plus heureux.

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©RPO

Le gros problème reste évidemment l’argent, rare. Les arnaques sont donc monnaie courante. Le pays est corrompu, les pensées et mentalités des habitants sont très dures, notamment sur l’étique et les pratiques religieuses.

Le sport pour apaiser les tensions ?

Oui, complètement ! Le skate reste un sport individuel car il ne s’exerce pas en équipe, il n’y a pas de règle. Mais paradoxalement, il se pratique avec une bande d’amis : un peu comme une famille, une sorte de secte joyeuse. Il apaise les tensions car il arrive à fédérer des valeurs uniques de partage, de don, d’échange, d’humilité, d’analyse et de respect.

Cela s’est vérifié lors de la création du skatepark dans la ville de Mukono en Ouganda, en 2016. De plus, ce projet a amené une véritable solidarité. L’association est parvenue à sensibiliser plus de 300 Artistes et des partenaires de choix comme Posca, Oklaskateshop, Official Skateshop, Vans, et Jart skateboard.

Je suis peut-être utopiste mais ça me donne l’envie d’accomplir mes rêves. Si l’on devait tout le temps faire des actions en se souciant du regard des gens, on ne ferait pas grand chose ! Il y aura toujours des haters dans tous projets, tous les domaines, il faut puiser cette négativité pour se surpasser.

Comment as-tu réussi à convaincre les artistes et les galeristes ?

Pour tout t’avouer, je reste quelqu’un de super simple, assez cash et confiant. J’y suis allé au culot comme souvent, avec une implication sincère. J’ai simplement envoyé un e-mail aux artistes que je souhaitais voir participer au projet. La plupart ont répondu positivement à mes sollicitations. J’ai aussi beaucoup de chance d’avoir des amis connus dans le milieu de l’art urbain toulousain comme Tilt, Der, Tober, Alx.

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©RPO

En 2014 notre première exposition de planches de skate customisées a eu lieu à Toulouse, galerie Agama. S’en est suivie une vente aux enchères qui a été un premier lancement au projet, et m’a permis d’autofinancer ce projet. Nous avons réitéré à Paris en 2015, au Quartier Général (11 ème arrondissement), puis à Madrid dans la galerie «Swinton Gallery». Nous serons bientôt à la Kolly Gallery (Zürich, Suisse) du 23 au 25 novembre.

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©Kolly Gallery

Un souvenir fort ?

Mon premier événement artistique caritatif que j’ai organisé, galerie Agama (8 rue Bouquières, Toulouse). Quel stress ! Je ne pensais pas qu’il y aurait autant de monde, une belle surprise. Les voitures ne pouvaient plus passer dans la rue de la galerie.

L’implication de mes proches m’a énormément touché. Ma copine et les amies de mes meilleurs potes avaient réalisé des gâteaux, tartes et quiches pour le vernissage, mon pote Castex gérait la buvette de fortune : deux tréteaux et une porte posée dessus.
J’ai rarement parlé autant de ma vie, alors que je suis déjà de nature très bavard ! Gros souvenir qui me remplit de bonheur.

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Jean Claude à l’aéroport de Paris et beaucoup de questions ©RPO

Évidemment, mon premier voyage et ma première rencontre avec les skateurs Ougandais sont aussi un moment fort. Un sentiment de stress, d’angoisse, de peur mais surtout d’excitation. Après avoir traversé le check-point de l’aéroport, j’ai pensé : « Mec là, il n’y a pas de retour en arrière. Ca y est, tu te lances vraiment dans une aventure de dingue. Tu ne connais pas tes interlocuteurs, tu ne les as jamais rencontrés, mais tu y vas. » Je me posais beaucoup de questions. Que faire s’ils n’étaient pas au rendez-vous, si personne ne venait me chercher à l’aéroport ? Et si je me fais kidnapper ? Et si je tombe malade ? L’inconnu total mais tellement excitant. Le premier pas posé sur le territoire africain a été très émouvant, cela devait faire plus de quinze ans que je n’étais pas retourné en Afrique.

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Photo de groupe. Au centre, Jean Claude ©RPO

Une déception ?

Le fait d’avoir été victime de détournement de fonds par les personnes que j’ai aidées. La pauvreté pousse parfois à agir de manière vile, étrange et malhonnête. Mais ces erreurs me façonnent. On apprend toujours de nos erreurs.

Prochaines grosses dates ?

Du 23 au 25 novembre, nous réalisons avec l’énorme gentillesse de la Kolly Gallery à Zurich (Suisse), la quatrième édition d’exposition de planches customisées par des artistes internationaux.

Nous organiserons ensuite avec les fonds obtenus, la création d’un skatepark en Mongolie, en août 2018 (Roule petit Mongol). Nous sommes déjà en contact avec un organisme de skateboard mongol, Mongolian Uukhai Skateboarding Association. Le fait de savoir que je vais réaliser ce projet me comble : les steppes, la culture mongole, marcher sur les pas de Gengis Khan (NDLR : Gengis Khan, 1162-1227, est le fondateur de l’empire mongol) les yourtes, j’en perds mes mots…j’espère pouvoir aider les nomades, leur faire découvrir le skate…

Le prochain gros objectif ?

Étendre mon projet dans le monde entier et changer des vies grâce au skate.

Je souhaite également travailler avec des associations éducatives pour créer des écoles dans ces endroits démunis : permettre aux jeunes et moins jeunes de bénéficier d’une éducation et de la culture.

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« Je souhaite que mon association m’aide à créer des écoles dans les endroits démunis  » ©RPO

Qu’ils puissent s’épanouir, aspirer à une vie meilleure, réaliser leurs rêves et être acteur de leurs vies. J’ai perdu ma mère il y a quelques années. Elle était enseignante. J’aurai ainsi l’impression de lui rendre hommage et de la faire participer à mon initiative. Dès 2018, Roule petit Ougandais changera de nom pour Learn & Skate. J’aspire à faire évoluer ce monde à ma petite échelle, mais tout en donnant de mon âme et de mon énergie. ◊

Roule petit Ougandais & Kolly Gallery
Charity Pop Up Exhibition
Du 23 au 25 novembre
à la Kolly Gallery
Seefeldstrasse 56
8008 Zürich
Switzerland
+41 44 252 55 66
info@kollygallery.ch
http://kollygallery.ch

Roule petit Ougandais
roulepetitougandais.com
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1 comment on “Quand l’art urbain roule pour la bonne cause

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