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Notre rencontre avec l’artiste Zest

Zest, artiste peintre montpelliérain, réalise une exposition très personnelle à la Kolly Gallery (Suisse) autour de son amour premier, le graffiti, et toute l’ambiguïté lié à cet art éphémère.

Zest, artiste peintre montpelliérain, réalise une exposition très personnelle à la Kolly Gallery (Suisse) autour de son amour premier, le graffiti, et toute l’ambiguïté liée à cet art éphémère.

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L’artiste aime les créations et les échanges, multiples. Ses toiles sont exposées dans le monde entier, ses projets dépassent les frontières. L’homme sculpte, customise des meubles pour la marque TOG (All Creators Together) lancée par le créateur parisien Philippe Starck et collabore même avec des grands créateurs de mode comme Agnès b. Sa peinture est spontanée, elle attrape l’œil par ses couleurs vives très identifiables. Il est question d’abstraction, de jeu visuel. Difficile de rester insensible aux sentiments qu’elle diffuse, aussi énergiques que ses réalisations. Pour sa nouvelle exposition, Zest s’intéresse à la pratique même du graffiti, qui n’a jamais quitté ses toiles. L’idée forte de la répression donnant lieu à création, la durée de vie limitée de cet art libre, effacé inévitablement et l’adrénaline incroyable qu’elle suscite pourtant. Le recommencement, toujours. Parce que le graffiti ne peut s’arrêter.

Rencontre avec Zest, à quelques jours de son vernissage :

Peux-tu te présenter rapidement ?

Je m’appelle Franck Noto, alias Zest. Je suis artiste peintre, issu de la culture graffiti depuis 25 ans maintenant.

Un projet où tu t’es dit « ça passe ou ça casse » ?

Je crois que je dis ça de tous mes projets ! Cette prise de risque est aussi ce qui me fait avancer. Je travaille beaucoup dans l’urgence. J’aime me mettre volontairement en dehors de ma zone de confort. Cette pression est bénéfique à ma création.

Festival Life is Beautiful Las Vegas 2017
Festival Life is Beautiful Las Vegas 2017

Un sujet qui t’agace vite et pourquoi ?

Je déteste entendre les gens critiquer les projets d’autrui quand ils ne font pas grand chose eux-mêmes. C’est trop facile. Mais ce qui m’énerve le plus, c’est finalement ma réaction. Cela arrive à m’irriter alors que je devrais être totalement détaché de ce type de discussion stérile.

Un sujet sur lequel tu pourrais parler des heures ?

La création qu’elle soit matérielle ou intellectuelle, m’a toujours étonné. Je suis très admiratif de l’artisan, celui qui met son art à disposition d’autrui, qui fabrique lui-même des choses. Leur savoir-faire me captive.

Festival Teenage Kicks 2017
Festival Teenage Kicks 2017

Ta dernière grande déception ?

Je vais répondre en temps réel : j’ai un problème de vernis sur mes toiles. Ça me les a toutes abîmées, je vais devoir les repeindre. D’habitude je prends un vernis que je connais, et là, je ne sais pas…j’ai voulu tester une autre marque, je n’aurais pas dû. Le vernis est une phase toujours critique.

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Croquis préparatoires, Montpellier, 2018 ©Streep

Ta dernière grande satisfaction ?

Le bulletin de note de mon fils ! Il est en CM1. C’est encore l’âge des bonnes notes. De façon plus générale, je dois dire que je suis très heureux de travailler actuellement sur ma prochaine exposition à la Kolly Gallery, début mars.

Festival Trama Buenos Aires 2017
Festival Trama Buenos Aires 2017

Un film qui t’a particulièrement marqué ?

J’ai adoré le film Fight Club (film du réalisateur et producteur américain David Fincher, sorti en 1999 et adapté du roman éponyme de l’américain Chuck Palahniuk, publié en 1996). L’ambiance y était folle tout comme la psychologie globale du film et ses scènes de vie. Je l’ai vu plusieurs fois, à des moments différents de ma vie et j’ai pu l’interpréter à chaque fois différemment.

Pour ces mêmes raisons, j’ai aussi adoré Pulp Fiction. (Film américain réalisé par Quentin Tarantino, sorti en 1994.)

Ou encore Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (film français réalisé par Jean-Pierre Jeunet, sorti en 2001). Il y a une atmosphère vraiment particulière dans ce film et beaucoup de poésies. Un retour à l’enfance aussi.

Quelque chose que tu trouves aberrant ?

L’intolérance. Cela peut faire cliché de dire ça, mais c’est vrai, je ne comprends pas du tout ce sentiment. Comme si on était obligé d’être tous pareils, de rentrer dans la norme. Qu’est-ce que ça peut nous faire qu’un tel s’habille comme ça, qu’il soit blanc ou d’une autre couleur de peau ? Nous sommes des milliards sur terre et personne ne se ressemble. C’est ce côté unique qui est extraordinaire.

Pas plus tard que cette semaine, un de mes proches me disait en parlant d’un de ses camarades «Lui il est gros…» Je ne sais plus la suite de sa phrase mais c’était déjà assez. Je déteste cette façon de penser. Ça m’agace de voir qu’il faut être dans une norme pour ne poser aucun problème. C’est ridicule.

Une personnalité que tu adores ? (musicale, politique, artistique…)

J’aurais beaucoup de mal à ne citer qu’une personne. Je n’ai jamais été quelqu’un de très fanatique. Même plus jeune, je n’ai pas le souvenir d’avoir idolâtré un groupe ou une star. C’est trop difficile de se réduire autant.

Une personnalité décédée que tu aurais adoré rencontrer. Vous auriez parlé de quoi ?

L’artiste Dondi White (Donald Joseph White est né a Brooklyn en 1961, il est devenu une référence du graffiti new-yorkais. Il décède en 1998) Je ne sais pas si on aurait beaucoup parlé. Je l’aurais regardé graffer et idéalement on aurait peint ensemble ! Quand je regarde les photographies de l’américaine Martha Cooper, ça donne vraiment envie de connaître cette époque, ce New York des années 70-80 (Martha Cooper, née en 1943, est une photographe américaine spécialisée dans le graffiti. Elle immortalisera à plusieurs reprises le travail de l’artiste par de nombreux clichés. On lui doit la mémoire visuelle de ces années artistiques urbaines. Une partie de son travail autour de Dondi a été publiée dans le livre Subway art, sorti en 1984).

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©Martha Cooper

Ta chanson du moment ?

Je passe un CD en boucle en ce moment. Je ne travaille pas toujours en musique car le lieu est passant, nous sommes plusieurs artistes dans cet atelier montpelliérain. (Zest occupe avec l’artiste Momies, le 2 ème étage d’une salle de concert de 600 m2. Au rez-de-chaussée, des ateliers d’artistes, un atelier de sérigraphie et de signalétique. Le premier étage accueille Line Up, une association culturelle dont l’artiste est le parrain). Mais actuellement, cela me correspond. Le groupe s’appelle Fat Freddys Drop et l’album Based on a True Story. (Il s’agit du premier album réalisé par le groupe de musique originaire de Wellington en Nouvelle-Zélande, Fat Freddys Drop. Composé de huit membres, leur sonorité oscille entre roots, dub, reggae, jazz, et soul.)

La jaquette d’un CD ou d’un disque que tu adores ?

La pochette de l’album The Dark Side of the Moon du groupe Pink Floyds m’a beaucoup marqué. Ce rayon qui passe à travers un triangle, sur fond totalement noir, c’est graphique, minimaliste et très identifiable. (The Dark Side of the Moon est le huitième album du groupe de rock britannique Pink Floyd, paru en 1973). Ce dessin ne laisse pas neutre.

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Pink Floyd, The Dark Side of the Moon, 1973

Tes prochains projets ?

Je travaille beaucoup sur ma prochaine exposition prévue le 1er mars, à la Kolly Gallery, à Zurich (suisse) : RAL 5002. Il n’y aura que des nouvelles pièces. Je parle du graffiti bien sûr et de l’accumulation, du recouvrement lié à cet art. RAL 5002 est le nom de la couleur bleu outremer que j’utilise principalement dans mes toiles. À l’origine, le Ral est un nuancier universel de couleurs, développé par un laboratoire allemand, et distribué dans le monde entier. Pour moi, il s’agit d’utiliser une couleur universelle pour un art qui l’est aussi, car si le public décide souvent quelle place attribuer à tel ou tel artiste dans la société, le Ral peut-être utilisé par n’importe qui. Nous sommes ainsi tous à égalité.

Que souhaites-tu montrer à travers cette nouvelle exposition ?

RAL 5002 décrit la situation dite de «recouvrement» à laquelle doivent faire face tous les grapheurs.

Lorsque les effaceurs viennent repeindre par dessus les graffitis, la peinture blanche fait disparaître l’œuvre, et l’on note derrière cet acte une volonté de lisser le paysage selon des codes stricts. Cependant, rien ne pourra freiner l’envie irrésistible des artistes à exprimer de nouveau leur créativité.

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Dans l’atelier de l’artiste quelques jours avant le vernissage, Montpellier, 2018 ©Streep

On a tendance a oublier la place essentielle que tient la répression. Les effaceurs font partie du courant ! On joue au chat et à la souris avec eux : on crée, ils effacent, on recommence. Il s’agit du seul art où tu essayes de ne pas trop t’attacher à ta pièce car tu en connais les risques : qu’elle soit repassée. Ce sont les règles. Tu sais aussi que tu recommenceras. Mes couleurs sont vives, primaires, comme dans le graffiti, art éphémère, où l’on se doit d’être visible. Le bleu de mes toiles renvoie à l’idée du fatcap (diffuseur de peinture) : doux et agressif. Les ronds évoquent mes débuts, quand je taguais avec les bombes à chaussures Baranne que je remplissais de peintures. Cela me faisait un marqueur.

Sur certaines oeuvres, le blanc domine. Il fait allusion au côté lisse de notre société, nettoyant sans relâche les tags. Un leurre puisqu’on ne peut pas supprimer le graffiti, il sera toujours présent : ce que je montre avec ces couleurs vives, apparaissant comme une évidence sur ces toiles blanches, comme si quelqu’un avait gratté pour les voir surgir. Je présente aussi des pièces étudiées comme des assemblages, toujours une référence à cette idée de création éphémère autour de l’art urbain. ◊

Zest
RAL 5002
Solo Show
1er mars au 31 mars
Kolly Gallery

Site internet de Zest

4 comments on “Notre rencontre avec l’artiste Zest

  1. Merci pour cette belle découverte.

  2. J’avais déjà vu des toiles de cet artiste à un vernissage. C’est vraiment super beau. Format bien sympa de l’interview ! 🙂

  3. Armand petit

    Magnifiques toiles ! J’aime beaucoup le format de cette interview

  4. Canon !!

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