Depuis quelques jours, le froid est revenu sur notre capitale. Les toits sont couverts de givre, le ciel ne semble pas vouloir de trêve. Des flocons tomberont, épars, provoquant le tumulte habituel des grandes villes débordées. Valérie s’engouffre dans le café. Elle retire ses gants et commande un café.
Discrète et élégante, cela fait maintenant plus de onze ans que Valérie exerce le métier de galeriste en parallèle de ses autres vies. Jeudi 5 avril, elle propose une nouvelle exposition avec Quik, un artiste américain qu’elle connait bien.

Comment es-tu devenue galeriste ?
Par circonstances. Des amis artistes peinaient à monter leur exposition et m’ont demandé de les aider. A cette époque, je travaillais comme salariée dans la Finance, je faisais donc cela en plus, et j’aimais beaucoup, c’était très épanouissant. Tellement, que j’ai décidé de négocier mon départ pour devenir consultante et dégager du temps afin de commencer à monter des expositions. Je ne pouvais pas tout quitter comme ça non plus ! Le premier événement aura lieu dans le local de la Maison des ESSEC (Paris 16), mon ancienne école. Une réussite.
J’apprends alors que le rez-de-chaussée de l’immeuble où j’habite est à vendre. 18 mètres carrés à Boulogne-Billancourt qui deviendront ma galerie, la Green Flowers Art Gallery. Le graffeur américain Quik alias Lin Felton, exposera chez moi pour la première fois. L’homme exerce son art depuis les années 70, c’est vraiment une référence dans le milieu et donc une fierté de monter cette exposition en France. En 2010, je prends un local de 70 mètres carrés à Boulogne-Billancourt, rue du Château. Je le garderai un peu plus de quatre ans, jonglant avec un emploi du temps exigeant.
NDLR : Quik alias Lin Felton est né en 1958 dans le Queens. Il est considéré comme une légende du graffiti new-yorkais.
Tu exerçais encore deux métiers en simultané ?
Oui et c’est toujours le cas ! Je suis consultant-formateur en finance d’entreprise, cela me plait. Après la rue du Château, j’ai partagé un lieu avec une autre galerie, toujours à Boulogne-Billancourt. Je viens de le quitter pour la rue de Picardie, dans le 3 ème arrondissement de Paris.
C’est vrai que quelquefois, mes deux métiers m’ont donné du fil à retordre. Je me souviens d’accrochages nocturnes et de lendemains où j’arrivais au vernissage dans ma tenue de consultant, n’ayant eu le temps de me changer !
Que comptes-tu exposer Rue de Picardie ?
Je vais louer le lieu pour des périodes de dix jours. Je souhaite y monter des grandes expositions. La prochaine, le 5 avril, sera de l’artiste Quik qui invite le Cyklop, reconnu pour donner vie aux poteaux urbains.
L’exposition s’appelle «Quik Does Vegas» car l’artiste est allé travailler dans le grand atelier de Seen à Las Vegas. Ses toiles et ses maps sont énormes et magnifiques. On retrouvera ses personnages pop féminins et bien sûr Felix le chat, qui est son pendant.
NDLR : Richard Mirando alias Seen, est un artiste américain né en 1961 dans le Bronx, considéré comme un des pères du graffiti. Il a débuté à New-York, sur les trains du métro.
Quik et Le cyklop réunis ensemble, c’est original !
A la dernière édition de la foire Lille Art up ! , j’exposais Quik et j’avais placé des pièces du Cyklop juste à côté de son travail. Les deux hommes se sont rencontrés et appréciés à ce moment-là. Ils ont tous les deux un travail joyeux et un peu enfantin.
NDLR : L’artiste normand le Cyklop crée ses potelets métalliques depuis 2007. Il les affuble d’un œil, un seul, d’où son surnom artistique.
Cela fait longtemps que tu connais Quik ?
Oui, je le connais et l’expose depuis plus de 11 ans donc depuis mes débuts ! Je l’ai rencontré chez un ami collectionneur où nous passions la soirée. Comme il logeait lui aussi à Boulogne-Billancourt, je l’ai raccompagné. On a beaucoup discuté, c’est ainsi que nous avons commencé à travailler ensemble. Notre relation n’a pas toujours été calme, c’est normal. Mais on se retrouve toujours.
Le métier de galeriste est-il un travail complexe?
Oui, c’est un métier exigeant. Il faut du temps pour se faire connaître, que les gens aient confiance en toi, en ce que tu proposes. Il faut avoir le moral aussi ! Il n’est jamais garanti que l’exposition fonctionne. Et en ce cas, la sanction est immédiate. A contrario, quel bonheur de faire découvrir des artistes. J’ai vu des individus très émus devant certaines pièces. Ce sont de beaux moments. C’est un peu le but de l’art aussi, de provoquer, remuer. Et puis j’adore faire la scénographie d‘une exposition. Ça me plait énormément !

Après l’exposition «Quik Does vegas», je présenterai un solo show d’une artiste japonaise incroyable et très connue dans son pays, Midori Sato, du 28 juin au 8 juillet 2018. Ce sera sa première exposition dans notre pays.
Quel a été un de tes plus beaux souvenirs ?
En 2013, je monte une exposition avec Quik et il me demande si il peut proposer à un de ses copains de travailler avec lui : il s’agissait de Thoma Vuille alias M Chat. Je trouvais ça génial, un américain avec un frenchie. Nous l’avons appelé «Who do you love ? Cats !!! ». C’était une très belle exposition, ils se sont vraiment amusés ensemble et ça se ressentait dans la créativité.

Valérie termine son deuxième café. L’horloge rappelle le temps passé, les obligations à venir. Elle se lève, remet son manteau, prête à affronter les températures négatives d’un hiver qui n’en finit plus. On aime le caractère de cette femme, affirmé mais humble. Jamais dans l’excès, ses paroles sont posées et réfléchies. Galeriste, un métier comme une évidence. Sa nouvelle aventure la conduit au centre de Paris. On y sera, curieux de l’expérience et parce que les électrons libres nous ont toujours fascinés. ◊
Quik « Quik Does Vegas »
Green Flowers Art Gallery
17 rue de Picardie
75003 Paris
Vernissage jeudi 5 avril de 18h à 22h
Exposition du vendredi 5 avril au dimanche 15 avril 2018
Ouvert de 10h à 20h tous les jours sauf lundi 9 avril
www.greenflowersart.fr
06 85 82 94 01
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