Le street artiste précurseur du genre, Keith Haring, aurait eu 60 ans cette année. Pour l’occasion, l’un des plus fameux musées viennois lui consacre une rétrospective pop et pertinente. Une synthèse comme une syntaxe de son œuvre.

On savait le prolifique Keith Haring (1958-1980) – et ce malgré une courte carrière – fan de hiéroglyphes. Ces bonshommes, silhouettes creuses «pictograffées», en possédaient les caractéristiques primitives : design simplifié et figuratif, membres désarticulés, mise en scène explicite… Mais avions-nous remarqué la dimension sémantique que son art partageait avec cette linguistique antique ? Pas sûr. Heureusement, l’Albertina a joué les explorateurs pour nous et sélectionné une centaine de ses productions (issues de prêts internationaux et de collections privées) mettant en exergue cet aspect dialectal. Ensemble, elles forment l’alphabet d’un langage universel dont l’étymologie remonte à l’aube de notre humanité : l’art.
La mort de Babel
Comme on apprend à lire et à écrire, l’exposition retrace le développement créatif du peintre, sculpteur et dessinateur américain Keith Haring, de son empire progressif des symboles abstraits à sa façon d’intégrer ses influences à ses compositions. Tel un polyglotte qui s’inspire de différents idiomes pour en maîtriser un nouveau.

Incarnant des messages prenant position contre les préjugés et l’oppression des minorités, les oeuvres de Keith Haring ne sont pas pour autant des instruments de propagande. Plutôt des outils de réclame usant des mécanismes similaires afin de défendre des valeurs à l’image de la justice ou de la résistance. Souvenez-vous, dans les années 1980 l’artiste lutta contre l’Apartheid en Afrique du Sud, le sida et mis en garde contre les dangers de la guerre nucléaire. Désireux d’être compris de tous pour toucher le plus grand nombre, Keith Haring a donc esquissé un jargon visuel, un lexique dessiné où chaque élément – le chien, le cœur, le serpent, etc. – a sa définition propre. Leur association conçoit alors un texte codé, à déchiffrer en filigrane. Comme une ébauche des emojis d’aujourd’hui.
En avance sur son temps, Keith Haring élabora ainsi un système mots-images d’idéogrammes. Qui, bien que chamarrés, recèlent en leur sein des idées puissantes voire douloureuses. L’objectif : détruire la tour de Babel et faire naître une communication universelle qui se passerait du verbe.
Car, comme le disait si bien Keith Haring :
«Le monde a droit à l’art. Le monde a besoin d’art, et c’est la responsabilité d’un artiste « autoproclamé » de réaliser cet art dans l’espace public, et non pas de faire de l’art bourgeois qui ignore les masses. L’art est pour tout le monde».
Tel est le principe fondateur du Pop Art. (NDLR : mouvement artistique né dans les années 1950, s’intéressant à la culture de masse populaire) ◊
Clotilde Gaillard pour Streep
Keith Haring – The Alphabet
Jusqu’au 24 juin 2018
Musée Albertina
Albertinaplatz 1,
1010 Vienne (Autriche)
Tous les jours de 10h à 18h.
Jusqu’à 21h les mercredis et vendredis
Cette exposition est t-elle prévue en France ?