Pour sa première escale à New York, l’artiste espagnol Pejac a semé deux magnifiques arbres dans la ville. Des œuvres qui, à coup sûr, porteront leurs fruits.

Poète du pochoir, illusionniste du macadam et prestidigitateur du spray. Voilà la définition que l’on pourrait donner à Pejac si un jour il devait figurer dans le dictionnaire des noms propres. Car cet artiste, originaire de Santander en Espagne, sait redonner vie aux mobiliers urbains les plus statiques. Et ce en y apposant l’ombre de vivants, enfants, plantes ou animaux. Avec une pointe d’humour et une douce mélancolie, ils semblent sortis du bitume pour nous adresser un message. A l’image de la Mancha, réalisée en 2011, où l’on voit une carte du monde couler doucement dans le caniveau…

Cette année, en découvrant les Etats-Unis, Pejac a investi la métropole goudronnée par excellence : New York. Et plus particulièrement deux quartiers de la «Grosse pomme» : Brooklyn et Chinatown. Dans le premier, aux abords de Scott Avenue dans le Bushwick, a ainsi poussé un arbre de briques. Se détachant du mur par un savant effet de contraste de couleurs et un époustouflant jeu d’ombres conçus à la bombe par Pejac, Fossil nous rappelle que la flore est en sursis. Au point que, bientôt, les végétaux ne seront qu’une impression fossilisée dans nos mémoires citadines.
Quant à Inner Strength («force intérieur»), elle représente une branche de cerisier forçant les stores d’un rideau de fer et autour de laquelle s’envole une nuée d’hirondelles. Peinture hyper-réaliste prenant le contre-pied de Fossil, ce puissant rameau fleuri donne l’aperçu d’un futur où la nature aurait repris ses droits sur les installations humaines, barrières à l’émancipation organique.

Is this art ?
Bien qu’incroyablement belle et formidablement éloquente, l’oeuvre Fossil de Pejac a récemment été toyée. Barrée d’un impertinent «Is this art ?». Mais pas de quoi énerver notre virtuose. Avec intelligence et dérision, Pejac a souligné via son compte Facebook (facebook de Pejac) «un moyen efficace de poser une question». Même si «la prochaine fois, envoyez-moi un MP», a-t-il suggéré.

Mais alors, le street art de Pejac, est-ce de l’art ? Si l’on en croit la qualification du Larousse selon laquelle l’art est «la création d’objets ou de mises en scène spécifiques destinées à produire chez celui qui les regarde un état particulier de sensibilité, plus ou moins lié au plaisir esthétique» on peut dire que oui. Cent fois oui ! Et, pour convaincre les plus sceptiques, nous leur conseillons de se rendre à la Péniche Daphné, sur les quais de Seine près de Notre-Dame de Paris. Là se tiendra, du 20 au 24 juin, une exposition de dessins de l’artiste intitulée Waterline. Ou bien juste d’admirer sur son site toutes les productions, en extérieur ou en atelier, pour s’en persuader. ◊
Clotilde Gaillard pour Streep
Pejac
Expo Waterline du 20 au 24 juin
Face nº11 quai Montebello,
75005 Paris
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