A Buenos Aires, des artistes urbains se mobilisent pour que les visages d’enfants volatilisés ne soient pas oubliés.
Daiana Garnica, 17 ans, vue pour la dernière fois le 6 mai 2017. Enzo Vallejos, 16 ans. Ou encore Salome Valenzuela, 13 ans. Voici trois des cinq noms qui ornent désormais les façades de la capitale argentine, Buenos Aires. Des patronymes, accompagnés de visages souriants en noir et blanc, qui sont pourtant le reflet mural d’une réalité qui l’est tristement moins. Car leur notoriété est le fruit d’un drame.
Ces jeunes modèles, à l’air heureux et aux regards pétillants, ont disparu, victimes d’une fugue ou d’un enlèvement. Depuis mi-mai, ils figurent sur les fresques des quartiers de Palerme comme de Villa Crespo.
Réveiller la mémoire, garder l’espoir
L’initiative, pilotée par le groupe privé Missing Children Argentina et l’agence créative DDB, entend ainsi attirer l’attention des passants sur ces disparitions inexpliquées. Mais également sensibiliser d’éventuels témoins à se manifester. Dans chaque peinture, au coin de ces portraits d’adolescents candides, se dissimule un numéro de téléphone à appeler pour communiquer des informations anonymement. Il faut dire que, depuis parfois plusieurs années, les autorités peinent à apporter des réponses concrètes aux familles atteintes par la tragédie d’avoir perdu un être cher.
« J’espère que ce projet va aider à faire parler la conscience publique, renforcer le fait qu’il y ait une famille qui attend ces jeunes disparus », affirme la soeur de Daiana avec l’envie d’y croire. « Peut-être que si les gens pensent comme un père, une mère, un membre de la famille, cela les amènera à s’exprimer », ajoute-t-elle, affligée de voir que les recherches avancent mollement.
Et les chiffres sont criants : le registre national des mineurs dont on est sans nouvelles indique que 1 154 sont toujours portés disparus sur les 2 571 cas signalés l’an dernier. La plupart ayant entre 13 et 17 ans et 66% étant des filles, régulièrement la proie de trafic sexuel.
Des murs érigés contre l’oubli
Réunis sous le slogan #ParedesQueBuscan, ou #WallsThatSearch, les street artistes ayant mis leur talent au service de cette cause cruciale souhaitent, eux, raviver le souvenir de ces enfants mais sans dérouler un trombinoscope sans humanité, comme ceux que l’on trouve dans les commissariats. Puisque rien n’est plus touchant que la sobriété, surtout celle du regard, « Je voulais mettre l’accent sur leurs yeux, plein de vie, pour que l’image ait un impact plus fort », a ainsi déclaré l’artiste Sebastian Richeri à l’Associated Press.
Certes, aussi belles soient-elles, ces œuvres n’atténueront pas la douleur née du manque d’un proche. Mais elles s’inscrivent telles des barrières chamarrées contre l’indifférence. Un pansement de ciment sur la plaie béante de l’absence. ◊
Clotilde Gaillard pour Streep
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