Une résidence d’artistes hors du commun est née sur les quais de la rivière Delaware (USA). Streep vous expose en 4 points pourquoi cet événement mérite qu’on s’y attarde plus qu’un instant

Vide depuis des décennies, il vient tout juste de reprendre vie. Il, c’est un ancien entrepôt et port d’embarquement vieux de 99 ans, situé sur la jetée de Cherry Street, au bord de la Delaware River (Philadelphie, USA).
D’une superficie de 5000 mètres carrés, l’endroit (baptisé Cherry Street Pier) accueillera désormais une résidence d’artistes inédite. Celle-ci a été inaugurée en fanfare vendredi 12 octobre, avec un festival artistique qui durera trois semaines : le Festival for the People.
Mais pourquoi s’enthousiasmer pour ce projet insolite ? Réponse en quatre arguments :
Raison #1 – Réhabiliter l’espace urbain publique
La jetée de Cherry Street, anciennement le quai municipal 9, a cessé ses activités maritimes il y a déjà plusieurs décennies. Récemment, elle avait même servi de lieu de spectacle au festival Fringe. Jadis grouillant d’agitation et de passage, l’embarcadère était donc un monument du patrimoine local qui tombait en désuétude et se devait d’être reconstruit. Grâce à la Delaware River Waterfront Corporation, signant avec cette rénovation son septième parc public, c’est chose faite. «Cette jetée engendrera un nouveau modèle d’espace public – un modèle dans lequel la communauté créative est essentielle à la mission de l’espace», a déclaré Joseph Forkin, président de la DRWC, au Broadstreet Review. Une idée que Sheila Hess, représentante de la ville, a également ratifiée, qualifiant le concept de «développement novateur de l’espace public». De bien jolies paroles qui se traduisent concrètement par des espaces d’exposition, un bar et des restaurants, mais aussi un jardin extérieur avec vue sur le pont Benjamin Franklin et le front de mer Camden. Sans oublier un marché semblable à un bazar pour les artisans et les vendeurs locaux ainsi que 14 studios d’artistes originaires de la ville ou des environs, établis dans des conteneurs d’expédition reconvertis et s’inscrivant parfaitement dans l’esthétique industrielle des lieux. Un respect du paysage donc, tout comme un nouveau dynamisme insufflé au quartier et à sa population par ce nouveau spot tendance.

Raison #2 – Recrééer du lien entre artistes locaux et habitants
Selon la DRWC, «les studios d’artistes ont été pensés dans le but de pouvoir être totalement accessibles au public afin que tous les visiteurs puissent voir comment l’art est fabriqué et que les artistes puissent interagir avec eux.» Un désir de «lien inclusif, éducatif, passionnant et collaboratif» favorisé par la structure même de ces ateliers.
Des boxs de 40 mètres carrés (au loyer modéré de 500 dollars), constitués de grandes baies vitrées, offrant à chacun le loisir d’observer le processus imaginatif au fur et à mesure de son déroulement et de multiplier les rencontres, formelles ou informelles.
Comme «un bocal à poisson tourné vers l’avenir», aime à comparer Joseph Forkin. Mais surtout une boîte à idées échangées qui devrait donner une bouffée d’air et d’humanité au secteur jusqu’ici négligé. D’autant que cette bonne intention de rapprochement ne sera pas éphémère puisque l’espace sera ouvert toute l’année. De même que la Delaware River Waterfront Corporation prévoit d’élargir son catalogue artistique en érigeant des ateliers supplémentaires après la première année d’ouverture du lieu.

Raison #3 – Faire exploser la créativité
A l’image de la diversité des animations et occupations proposées entre les murs de l’entrepôt, l’éventail des arts représentés par les artistes locaux y résidant – parmi lesquels Yolanda et Carla Wisher, Cori Shepherd, Victoria Prizzia, Ed Marionou encore Sue Huang – est vaste.
Des peintres, des sculpteurs, des cinéastes, des poètes, des photographes, des artistes de théâtre et des artistes multimédias se côtoient ainsi dans cet incroyable (et improbable) melting pot créatif.
De sorte que, de performances scéniques en installations vidéos, les curieux pourront naviguer d’une rive à l’autre de l’art urbain et contemporain. «Quand j’ai découvert les lieux pour la première fois, j’ai été frappée par la voie ferrée qui traverse le centre de la jetée», raconte avec enthousiasme la poétesse Yolanda Wisher. L’artiste y a alors vu une onirique définition de ce que pourrait être l’ancien embarcadère reconverti : un passage, une passerelle reliant deux mondes et guidant l’un et l’autre dans une direction conjointe, celle allant de l’avant. Une métaphore qu’approuvent les co-fondateur du projet, eux aussi artistes. A savoir James et India Abbott.

Raison #4 – Un innovant projet père-fille
Si ces deux-là sont mus par une même volonté et une vision de l’art similaire, ce n’est pas par hasard. Le premier, photographe, a éduqué la seconde, cinéaste. Pour cause : le tandem est en effet père et fille. Sur la même longueur d’onde, le duo de parents partagera d’ailleurs l’un des studios mis à disposition dans le hangar réhabilité. Mais dans quel coin de leur cerveau fertile a pu naître une entreprise aussi folle et visionnaire ? Pour le savoir, il faut se pencher sur le passé du paternel, James. Ce dernier possédait autrefois un atelier dans une usine de fabrication de chocolat nichée dans Third Street, avant que celle-ci ne soit transformée en appartements haut de gamme. Bref, le Cherry Street Pier constitue donc une manière d’exorciser cette douloureuse expérience, de conjurer les démons de l’urbanisation à outrance au profit d’un peu d’art et de couleurs dans la cité. Comme une revanche de la créativité…◊
Clotilde Gaillard pour Streep
Cherry Street Pier
121 N Christopher Columbus Blvd
Philadelphia, États-Unis
http://philadelphiacontemporary.org/festival-for-the-people/
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