L’artiste français Julien Nonnon projette ses œuvres nocturnes au cœur des plus beaux sites rocheux d’Europe, afin de sensibiliser à la disparition de la faune qui les peuple.
Inutile de parcourir les chaînes alpines ou d’avancer vos vacances d’hiver pour tenter d’apercevoir les créations de ce spécialiste international du mapping. Elles ont en effet été pensées pour être éphémères et insaisissables, immortalisées sur seules pellicules photographiques. Rares ont été les personnes à avoir eu la chance de les expérimenter en direct, à flanc de montagne, parce qu’elles ont inopinément croisé la route de Julien Nonnon.

Chargé d’un projecteur de 30 kg, nécessaire à la diffusion de ses gravures sur diapositives de verre, Julien a concrétisé l’aboutissement d’une année d’organisation et de travail de longue haleine. Parfois dans des conditions extrêmes. Officiant habituellement au sein des mégalopoles, le célèbre street artiste est sorti de sa zone de confort. Quitte à affronter une nature belle et imprévisible, comme il le confie, amusé, à Streep : «Cet été, j’ai fait la bêtise d’aller chercher le spot idéal en short alors que la nuit, en altitude, il fait froid. Ça t’apprend l’humilité !»
Un engagement à soulever des montagnes
Mais pas de quoi refroidir ses ardeurs artistiques ! Il faut dire que, si Julien Nonnon a pris le risque d’investir des paysages magnifiques mais hostiles telles que la chaîne des Chablais (dans sa région de Haute-Savoie) ou les Gorges du Bronze (non loin du Mont Blanc), c’est pour la bonne cause.
A travers ce mapping, Julien Nonnon souhaite sensibiliser la population à la fragilité des écosystèmes. Éveiller les consciences quant à l’amenuisement de la biodiversité dans des milieux de moins en moins sauvages.
Loup, Grand duc, lynx, ours, renard, bouquetin… Autant d’animaux emblématiques «que l’activité humaine menace de faire disparaître et de devenir légendaire, comme la licorne», se désole l’artiste. Sans oublier que «sans eux, la montagne paraîtrait morne et sans vie», ajoute-t-il.

En projetant ces œuvres numériques monumentales sur les pans escarpés des cimes – éclaboussures de lumière ne laissant aucune trace physique mais un impact visuel fort, visant à «proposer sans imposer» –, cet amoureux des peintures rupestres et de l’art pariétal entend ainsi faire le parallèle avec les aurochs esquissés sur les parois de la grotte de Lascaux, qui eux n’existent déjà plus. De quoi rappeler, sans se vouloir alarmiste non plus, que «ce bestiaire est bien mieux en vrai», réel et à l’état sauvage.
«L’activité humaine menace de faire disparaître ces espèces animales (…) mais sans elles, la montagne paraîtrait morne et sans vie ! » Julien Nonnon
En exécutant des portraits, Julien Nonnon les personnifie et en fait les égaux des humains. Comme pour prouver qu’ils n’ont rien à nous envier, que ce soit en matière d’intelligence ou de sensibilité.
Relai d’un message écologiste crucial plus que militant, l’artiste tente de «véhiculer des valeurs sans être présomptueux».
Il n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai engagé : en 2016, il nous interpellait déjà sur la merveilleuse mixité des couples avec «Le baiser» ; et en février dernier, c’est notre hyper-individualité quasi féroce qu’il pointait du doigt à Hong-Kong. (Notre article ici)
Des montagnes du Nord aux déserts du Sud
Poursuivant son périple montagnard jusqu’à la mi-décembre, «Crying Animals» devrait traverser l’Atlantique et la Méditerranée début 2019. Julien Nonnon se voit en effet amorcer la nouvelle année en soulignant l’urgence du sort des lions de l’Atlas au Maroc et des pumas de Californie, eux aussi en voie d’extinction.
Désireux d’explorer d’autres champs créatifs, ce virtuose du mapping espère donner une autre ambition à ses autoproductions artisanales en s’associant à des collectivités locales. Et voir ainsi le public se réapproprier son projet pour faire naître le dialogue et susciter des actions de sauvegarde des espèces au sein de la société civile.

Imaginant chacune de ses œuvres comme des petites fables exprimant ses idées plus clairement qu’il ne pourrait, de son propre aveu, le faire à l’oral, Julien Nonnon souhaite également animer ses gravures projetées, à l’image de chorégraphies du théâtre de rue.
Nombre d’aventures artistiques se profile en perspective, continuant toutes à mettre la technologie de l’Homme au service de la nature animale. ◊
Clotilde Gaillard pour Streep
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