Marianne pleure, la République est morte : le crew anonyme et son manifeste engagé suscitent des interrogations : qui sont-ils ? Avec qui marchent-ils ?

Les faits en deux mots :
Au 186 rue Nationale du 13 ème arrondissement de Paris, la célèbre fresque « Liberté, Egalité, Fraternité » commandée par la ville de Paris à l’artiste américain Obey, de son vrai nom Frank Shepard Fairey, pleure depuis quelques jours des larmes de sang.
Sa devise républicaine a également été supprimée par un crew d’artistes anonymes dans cette même nuit du 13 et 14 décembre, et remplacée par un « Marianne pleure ». Les graffeurs diffusent en parallèle une vidéo engagée, insurrectionnelle : des images de violences policières et les émeutes contestataires qui ont suivi, sur fond de musique efficace.
Un acte accepté par Obey lui-même
Si un artiste urbain ne souhaite pas que son art soit récupéré une fois offert à la rue, les musées et les galeries sont à lui. Que Obey ne conteste pas l’action semble ainsi logique, en phase avec l’histoire du graffiti, l’histoire de l’art de rue. Mieux ici, il cautionne la revendication, n’en déplaise au maire du 13 ème arrondissement qui déclare sur twitter : « L’art vaut mieux que ça. Nous verrons avec @OBEYGIANT quelle suite donner »
A priori aucune, de par la réponse de l’artiste lui-même :
« Si certains sont en désaccord avec le détournement de l’œuvre ‘Liberté, Égalité, Fraternité’ parce qu’ils ne sont pas d’accord avec les auteurs, alors ma réponse est claire : je ne suis pas prêt à la leur donner et vous ne devriez pas l’être non plus. » Obey

Un collectif organisé
Une action forte pour inciter au réveil populaire. Mais grimper à pareille hauteur ne s’improvise pas, un peu de sécurité est nécessaire. Les hommes étaient organisés. Agissent-ils totalement seuls, ou sont-ils en lien avec quelques galeries, politiciens influents ? On préfèrerait la première solution, plus en phase avec l’idée de liberté revendiquée.
Les hommes ont également préparé un manifeste, dénommé « LREM-NRV », comme un collectif très préparé, à l’image de leurs revendications.
Le manifeste « LREM-NRV » frappe à coup de mots extrêmes : « la République est morte. Qu’elle crève, et enterrez-vous avec. (…) Qui veut encore du Pouvoir ? Voila ce qu’il produit, à chaque fois. L’ordre, c’est le chaos. »
Une action artistique pour réveiller les consciences, d’accord. Mais les mots choisis ne prêtent pas à la discussion, ils ont plutôt tendance à enfoncer les portes. Le manifeste n’invite pas, il prend. Il ne caresse pas, il tape. Il semble être contre les règles établies : politique de l’anarchisme ? Les individus seraient alors des visages extrêmes puisqu’il n’est ici nullement question de pacifisme mais de radicalisme.
Deux façons de voir les choses : ou l’extrême devient nécessaire pour changer les choses, ou l’extrême conduit lui aussi au chaos puisqu’il finit de supprimer les normes établies pour que « l’homme ne soit pas un loup pour l’homme ».

Autre interrogation à propos de cet anonymat voulu : pourquoi ce choix ? Pouvoir continuer à agir librement certainement. Mais garder l’anonymat peut aussi être vu comme une faiblesse, un attachement à notre société et ses travers.
La Marianne au visage calme d’Obey n’est plus, la nouvelle pleure des larmes de sang. Ces individus anonymes ont livré leurs façons de penser, certes sans demi-mesure et dans un monde déjà bousculé. Peut-être ont-ils été aidés par une galerie imposante, peut-être sont-ils issus d’un parti politique ou au contraire d’aucun, revendiquant alors un côté extrême pour renverser une société qu’ils ne reconnaissent plus.
Que l’on soit pour ou contre, choqué ou ravi, il reste toujours intéressant d’ouvrir des nouveaux chemins par des actes invitant à réfléchir et restant pacifiques. Tant que nous pourrons continuer à discuter, la devise républicaine existera toujours. ◊
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