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Qui est Hanna Ouaziz ?

Avocate de formation, elle vient de devenir galeriste, rattrapée par ses passions. Le 15 mars, Hanna Ouaziz propose une exposition aérienne : Take a Breath.

Avocate de formation, elle vient de devenir galeriste, rattrapée par ses passions. Le 15 mars, Hanna Ouaziz propose une exposition aérienne.

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©Hanna Ouaziz

Assise sur une chaise d’un café parisien, Hanna attend son plat commandé. Il est 15 heures, un soleil d’hiver enveloppe le lieu d’une lumière chaude. Il se reflète joliment sur les murs épurés et dans les cheveux bruns de la jeune femme. Une actrice du cinéma français discute avec deux de ses amies, un jeune homme tape énergiquement sur le clavier de son ordinateur. Paris, un après-midi. Le serveur dépose la commande en un geste rapide, cassant l’effet sourdine installé. A tout juste 30 ans, Hanna pensait continuer sa carrière d’avocate. Voilà trois ans qu’elle évolue pourtant dans un milieu artistique : organisatrice d’événements, commissaire d’expositions, attachée de presse…Des projets apparus dans sa vie au gré des rencontres. Le 15 mars, elle propose une exposition aérienne, Take a Breath, dans la galerie parisienne «Passage Guigon», située à deux pas de l’Opéra Bastille. 14 artistes pour s’exprimer sur notre monde en devenir. Rencontre :

Comment te présenterais-tu ?

Toulousaine d’origine, je préfère que l’on me décrive pour ce que je suis plutôt que pour ce que je fais. J’ai toujours été proche des gens, je me nourris de ces rencontres aussi multiples que contraires.

Depuis toute petite, je suis attirée pour les Arts sous toutes ses formes, qu’elles soient littéraires, musicales, théâtrales, ou encore graphiques. Il s’agit d’un autre style de vie qui me ressemble. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai décidé de mettre entre parenthèses ma carrière d’avocate en 2015 afin de vivre pleinement une aventure artistique et poétique.

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Dans un café parisien ©Streep

En étant avocate, comment t’es-tu retrouvée à travailler pour l’art ?

Ce sont les rencontres qui ont guidé mes choix. Je suis partie à Londres dans le cadre de mes études d’avocat. J’ai fait la connaissance de Jane Egginton, une femme indépendante, journaliste de voyage, amoureuse de ce quartier est, Hackney, qu’elle ne quittait que pour partir à l’étranger. Elle a décidé de monter sa galerie et je me suis retrouvée à travailler pour elle, six mois durant. Ce Pop-up Shop accueillait des artistes urbains, des photographes, des sculpteurs tous originaires ou résidents du même quartier. Ces moments ont été très riches et ont déterminé mon envie de développer et organiser des projets artistiques.

Ma seconde expérience est aussi venue d’une rencontre fortuite. Je marchais dans une rue parisienne et aperçois un vernissage, j’y rentre. Faisant la connaissance de l’artiste Anis, nous décidons de créer ensemble La Réserve Malakoff, en 2016. Imaginer ce hangar devenir un véritable lieu d’exposition et de création était sans nul doute de l’ordre de l’impossible quand on le découvrait pour la première fois. Le travail était colossal mais la préparation, même si elle fut intense pendant presque un an, a été passionnante. Cela a été pour moi l’occasion de travailler aux côtés d’artistes extraordinaires. Nous avons pu collaborer sur la création de ce projet avec des personnalités remarquables : Jean Marc Vibert, un vrai passionné d’art, Simon Roul, architecte, Alexandre de Laporte, régisseur et Olivier Ginet, notre partenaire. Animer ensuite pendant cinq mois ce site a été un véritable challenge, j’ai investi beaucoup d’énergie. Tout un programme a été proposé au public entre expositions, performances live, théâtre, concerts, défilé de mode… Un lieu «infiniment vivant» en somme !

NDLR : La Réserve Malakoff située dans le sud de Malakoff (92) appartient à Jean Marc Vibert qui la met à disposition de l’artiste Anis. Avant sa fermeture définitive pour destruction, il sera décidé d’en faire un lieu d’exposition et de création, appelé Le Grand 8. L’événement se tiendra de juin à novembre 2016.

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La Réserve Malakoff, 2016 ©Streep

S’en est suivi le Lab 14 ?

Tout à fait. Face au merveilleux de voir les artistes et leurs œuvres se réaliser jour après jour, j’ai eu envie de faire partager ces émotions au public parisien. De là est né le projet : le Lab 14, à Montparnasse.

NDLR : situé dans une partie du bâtiment historique de La Poste du 14ème arrondissement de Paris, le Lab 14 réunira plus de trente artistes, de décembre 2016 à février 2017.

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Le Lab 14, Montparnasse, 2016 ©Hervé Photograff

L’exposition Take a Breath est aussi née d’une rencontre ?

Complètement. Je marchais dans la rue de Charenton (Paris 12) et je vois cette galerie, passage Guigon, à moitié éteinte. Le propriétaire est à son bureau, occupé. J’hésite un peu. Est-ce que je rentre, je continue mon chemin ?

Cela faisait quelques mois déjà que je cherchais un lieu pour monter un événement. Alors quand son propriétaire m’annonce qu’il part prochainement à la retraite, l’occasion était trop belle ! J’ai carte blanche pour cinq événements.

Cette galerie ressemble à une maison, on s’y sent tout de suite bien. Elle a son vécu, plus de 25 ans d’existence, et de grands artistes y ont exposé comme le peintre et graveur français Roger Edgar Gillet (1924-2004), le toulousain André Marfaing (1925-1987) ou le peintre américain Pinchas Maryan (1927-1977). C’est un très bel espace avec une véritable âme.

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Intérieur de la galerie, Paris 12 ©Hanna Ouaziz

Quelle est l’idée de cette exposition Take a Breath ?

J’ai grandi dans la région des Pyrénées, un endroit ressourçant. Paris est une ville extraordinaire mais aussi très stressante et polluée. Je souhaitais organiser une exposition qui nous permettrait de prendre le temps de souffler, de se poser un instant. J’ai donc demandé à quatorze artistes de réfléchir sur ce concept et sur un besoin vital de plus en plus compliqué à respecter : Qu’est-ce que respirer signifie à notre époque ?

Take a Breath est à la fois un instant de pause, comme l’envie de respirer dans une bulle protectrice, mais aussi un travail de réflexion sur la vie et notre monde. Sur le souffle et ses mécaniques, sur la qualité de l’Air que nous respirons.

Cette thématique est aussi dans l’idée de donner à l’art urbain peut-être «de nouvelles respirations». Ce mouvement est très riche mais parfois nous sommes confrontés aux mêmes propositions, ce que je trouve dommage. Aller plus loin, chercher ailleurs. Pousser l’artiste dans ses retranchements. On parle aussi d’asphyxie, d’oxygène, mais bien évidemment de la nature.

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La panthère de l’artiste Gilbert Mazout ©Gilbert Mazout

L’artiste doit être engagé, selon toi ?

Pas forcément mais il doit avoir une démarche, un propos différent. Avoir une marque de fabrique est important mais il ne faut pas se perde dedans. J’ai convié des artistes qui ont tous une manière sensible et caractéristique de créer. Tous ont un langage propre qui, parfois, peut-être instinctif et brutal comme l’artiste K-LITYSTREET, ou méditatif comme le plasticien ANTOINE BERTRAND. (NDLR : L’artiste est connu pour ses animaux en noir et blanc réalisés au sabre) J’avais envie de ces différences, de ce mélange pour Take a Breath. Lorsqu’ un des artistes m’a appelé la semaine dernière pour me dire qu’il avait compris ce que je voulais, et me remerciait de l’avoir poussé hors de ses retranchements, car il y prenait du plaisir, j’ai vraiment été touchée. Ce dialogue avec l’artiste est vraiment ce qu’il y a de plus extraordinaire dans ce métier.

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L’artiste Antoine Bertrand ©Antoine Bertrand

La poésie sera-t-elle également présente ?

Oui j’y tenais. J’adore la réflexion philosophique du poète allemand Hölderlin (1770-1843) et son expression : « La nécessite d’habiter poétiquement le monde ». Cette phrase sera au cœur de l’exposition, tout comme le leitmotiv de mon agence artistique H.ART a Life Style. C’est un vers extraordinaire permettant la réflexion autour de notre monde. Je mettrai à disposition plusieurs textes de poésie, je pense que nous n’en lisons pas assez et qu’elle aide à une certaine prise de conscience.

NDLR : L’écrivain et poète allemand Friedrich Hölderlin s’est interrogé sur le trait fondamental de la condition humaine : la place éthique, humaine, écologique aussi, de l’homme dans notre monde. Ce vers est emprunté à un de ses poèmes où il développe l’idée selon laquelle la poésie fait de notre monde une habitation. « Plein de mérites, mais en poète, l’homme habite sur cette terre.» Ce vers a donné lieu à un manifeste réuni dans un livre publié aux éditions Poesis en mars 2016, sous la direction de l’écrivain Frédéric Brun.

Que veux-tu que l’on retienne de cette exposition ?

J’aimerais que cette exposition permette aux gens de rêver, de s’évader. Qu’ils aient découvert des choses différentes et surtout qu’ils prennent le temps de réfléchir à leur propre vie, qu’ils s’arrêtent pour respirer au rythme des œuvres présentées.

Si je peux leur offrir un moment qui soit en quelque sorte «une bouffée d’air» dans leur vie, j’en serai très heureuse.

En partant, un client pressé oublie de fermer la porte du café. Le froid, mordant, pénètre dans la pièce, joue avec les chevilles, cherche le corps dénudé. Les têtes se relèvent, l’horloge est consultée, les additions demandées. Paris, un après-midi. Hanna ajuste son écharpe, reprend son manteau. Elle salue le serveur, quitte le lieu. La silhouette élancée se devine encore quelques minutes avant d’être happée par le coin d’une rue. Rendez-vous pris le 15 mars. ◊
Take a Breath
Group Show
15 Mars au 31 mars 2018
Passage Guigon
39 rue de Charenton
75012 Paris
h-art.eu.com

2 comments on “Qui est Hanna Ouaziz ?

  1. camomille deglé

    Article intéressant sur le parcours de vie d’une jeune femme. A voir ce que le lieu va devenir pendant cette ‘cohabitation’ . Hâte de découvrir l’exposition, j’y serais.

  2. Armand petit

    Fan de Popay et de Gilbert Mazout, je serais là aussi

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